À Quimper, Arnaud Elégoët remet en selle « Ar Marc’h dall »
Sa rencontre avec « Ar Marc’h dall » (Le Cheval aveugle) remonte à l’été 1979. Arnaud Elégoët a 9 ans. Il accompagne alors ses parents, partis écouter cette cantate à la basilique du Folgoët. Une œuvre en langue bretonne que Job an Irien (pour les paroles) et René Abjean (pour la musique) viennent tout juste d’écrire. « Je n’y suis pas allé de gaîté de cœur, se souvient le fondateur de la maison d’édition quimpéroise Bannoù-heol. Quand on est enfant, on a un peu des idées préconçues. Le breton ne m’intéressait pas du tout. C’était, pour moi, une langue presque morte déjà, sans intérêt, sans avenir… Mais ça a été un petit choc ! En sortant du concert, j’étais vraiment enchanté. Cette musique était extrêmement moderne. Et la basilique était pleine ».
« Le texte n’a pas pris une ride »
Partout, un accueil similaire est réservé à l’œuvre des deux Nord-Finistériens. Aux Tombées de la Nuit, à Rennes. Mais aussi à la cathédrale Saint-Corentin, à Quimper, lors des Fêtes de Cornouaille. La raison du succès ? « Jusqu’à présent, les chœurs de langue bretonne avaient tendance à chanter de la musique sacrée. Là, ce n’était pas le cas. Ar Marc’h Dall puisait aussi vraiment dans la musique des pays celtiques… Il y avait une volonté d’écrire une musique bretonne moderne », insiste Arnaud Elégoët.
Lui, comprendra véritablement l’œuvre bien plus tard. Il parle alors breton. Et se plonge dans les paroles. « Ar Marc’h Dall » est un hymne à la Bretagne. Mais Job an Irien prévient également que cette terre, « si elle perd son identité », risque fort de devenir ce cheval aveugle qu’il observait lorsqu’il était enfant. Un cheval qui allait « à droite, à gauche, sans savoir quelle direction prendre ». Le texte est militant. Universel aussi. « Et il n’a pas pris une ride, assure Arnaud Elégoët. Les questions qui se posaient à l’époque sont toujours autant d’actualité aujourd’hui ».
Une nouvelle couleur musicale
Chez ce professeur de musique qui voue désormais une passion pour la langue bretonne, l’idée fait son chemin. En 2019, ce sont les premiers pas du « Cheval aveugle », nouvelle version musicale… Pour ce projet, « on ne voulait pas refaire un « Ar Marc’h Dall » identique à celui de 79 car il est déjà très beau », explique l’éditeur. Il veut davantage lui donner une autre couleur, « en le faisant jouer par un orchestre symphonique (de Bulgarie), mais, évidemment aussi, par les instruments celtiques ». Véronique Autret, qui prêtait déjà sa voix sur la première version, fait aussi partie de l’aventure. Tout comme Gilles Servat et plusieurs chanteurs corses…
Trois ans après les premiers accords, le projet, malmen é par la crise sanitaire, a pris forme définitivement. L’album est sorti en cet automne 2022. Arnaud Elégoët et Joris Inadïas, ingénieur du son, l’ont fait écouter à René Abjean et Job an Irien. Deux octogénaires « très émus », témoigne l’éditeur. Il le dit avec humilité. Mais, sans doute aussi, avec fierté. Lui, qui a fait de ce projet l’un de ses chevaux de bataille.
Sophie Benoit