La cantate Ar Marc’h Dall remise au goût du jour
« Et les anciens ont réalisé/ Sans dire mot, par la force de l’habitude/Qu’il n’était pas convenable de parler en breton/ aux enfants nouveaux-nés. » Dans la cantate, ou poème chanté Ar Marc’h Dall (Le Cheval Aveugle), Job an Irien, retrace, en langue bretonne, l’histoire de la Bretagne, contrainte de délaisser ses traditions, de revêtir « les oripeaux d’un autre, qui pratique la langue d’un autre pays, tu écoutes les chants d’un autre, demain, tu seras comme d’un autre pays, demain, tu seras comme un cheval aveugle… ». La musique est signée René Abjean.
En 1979, l’œuvre des deux Finistériens rencontre un succès fou au festival de Cornouaille à Quimper, à la basilique du Folgoët (Finistère) comme aux Tombées de la Nuit à Rennes (Ille-et-Vilaine). Plus de quarante ans plus tard, c’est un autre Finistérien, Arnaud Élégoët, qui contribue à donner une autre couleur, grâce notamment aux arrangements de Rónán Ó Luasa, à cette « œuvre universelle ».
« Des paroles toujours d’actualité »
Le musicien, à la tête de la maison d’édition Bannoù-heol (Rayons de soleil), avait déjà relevé le défi de mêler les chants et les notes de musiciens bretons, corses et bulgares pour le livre-CD Kan ar Bed , auréolé de prix à sa sortie, en 2018.
Il récidive avec le livre-CD Ar Mac’h Dall. En formulant le vœu que ce texte sur la trajectoire de la Bretagne, sur les coups qu’elle a reçus, les forces vives qu’elle a soulevées, traverse le temps, les mers et les frontières.
« Mon souhait est que ces paroles fassent réfléchir un maximum de personnes », livre Arnaud Élegoët. La dédicace choisie illustre son propos : « À Aziliz, Bleuenn, Telio » – ses enfants – ainsi qu’« aux bretonnants d’hier, d’aujourd’hui et de demain et à tous les peuples qui se battent pour maintenir leurs langues et leurs cultures vivantes ».
« Les paroles sont très profondes et restent d’actualité. D’ailleurs, l’auteur ne changerait pas un mot si c’était à réécrire », rapporte le Quimpérois. La musique ? « C’est une musique symphonique qui sonne comme chez nous, inspirée de la musique de Bretagne et d’autres pays celtiques », poursuit-il
Le Quimpérois a réuni un plateau de choix. Pour interpréter les parties de harpe, pas faciles, il est allé chercher Dimitri Boekhoorn, professeur de harpe d’origine suédoise. Véronique Autret, qui avait participé à la première version de l’œuvre, prête de nouveau sa voix.
D’autres clins d’œil émaillent la réédition : « On a enregistré Hervé Lesvenan sur l’orgue de la cathédrale de Quimper, en rappel du concert donné au Cornouaille de 1979, on a refait chanter les Corses, déjà présents sur Kan ar Bed, en breton. Gilles Servat, qui symbolise le combat des années 70 pour la défense de la langue et de la culture bretonne, a aussi répondu présent. »
Arnaud Élégoët a fait écouter l’opus aux deux créateurs, René Abjean et Job an Irien, aujourd’hui octogénaires. Tous deux, dit-il, ont été « très émus ».
Livre-CD Ar Marc’h Dall (Le Cheval aveugle) de René Abjean et Job an Irien, illustré par Geoffrey Berniolle. L’historien Louis Élégoët raconte l’histoire de la langue bretonne du XVIIIe siècle à nos jours. 22,90 €, www.bannouheol.com
Nelly Cloarec
Le documentaire de Youenn Chapalain concernant cette aventure sera diffusé le samedi 10 décembre à 15h00 à la médiathèque de Plouguerneau.