Les “frères” bretons d’Idir rendent hommage au chanteur kabyle décédé
Le chanteur et harpiste Alan Stivell a été l’un des premiers à rendre hommage à l’artiste kabyle, avec qui il avait chanté et adapté la chanson Isaltiyen (Les celtes). Il y saluait, en breton, ses frères du pays Amazigh, le nom que se donnent les berbères. "Salut à vous mes frères de culture", disait la chanson, enregistrée en 1997 dans l’émission de France 3 Bretagne Du-mañ, du-se.
"Dès qu'on s'est rencontrés, on s'est sentis un peu frères, se souvient Alan Stivell. Unis par ce lien un peu inexplicable qui existe entre bretons et berbères. Cela va au-delà du lien qui unit des peuples minorisés par le pouvoir central, c'est plus profond".
Les deux artistes se sont régulièrement croisés sur scène, comme lors d'un concert hommage à Lounès Matoub, le chanteur kabyle assassiné en 1998. "Un jour, il m'a raconté qu'en 1972 il avait entendu, d'Algérie, mon concert à l'Olympia diffusé à la radio. Même s'il ne comprenait pas les paroles, il s'est senti plus proche de la musique bretonne que de toutes les autres musiques qu'il entendait à la radio. Il m'a dit que ça l'avait libéré, qu'il avait compris que c'était possible". Un an plus tard, Idir chantait lui-même pour la première fois à la radio algérienne.
"Une proximité culturelle" pour Gilles Servat
Lors de ses passages en Bretagne, Idir avait l’habitude de lier les cultures berbère et bretonne... et de mélanger les langues. En 1999, il enregistrait avec Gilles Servat la chanson Illusions (Awah
Awah 2) sur l'album de duos Identités. Sur ce morceau, les chanteurs accompagnés par Dan ar Braz dénonçaient, en kabyle et en breton, les réflexes obscurantistes de certains religieux.
"Il m'a demandé d'écrire des paroles en breton, pour que nos deux langues soient côte-à-côte. C'était une collaboration très sympathique. Il venait souvent en Bretagne et on s'est régulièrement croisés sur les mêmes scènes. Discuter avec des personnes comme Idir et comprendre qu'en Kabylie aussi, les gens se battaient pour leur culture et leur langue, ça permettait d'aller au-delà de notre propre combat. Il y a une vraie proximité entre nos cultures."
L'hommage des festivals de musique du monde
Idir l’algérien était un habitué des festivals bretons. A Paimpol, où la maladie l’avait empêché de revenir chanter l’an dernier, les organisateurs du festival du Chant de marin font part de leur tristesse ce matin.
Il avait également été l’invité à deux reprises du Festival du Bout du Monde, à Crozon, notamment en 2000, lors de la toute première édition. "C'était un grand bonhomme, respecté dans le milieu de la musique", explique Jacques Guérin, le directeur du festival finistérien.
Une passerelle entre Bretagne et Kabylie
Plus récemment, c’est l’équipe réunie autour d’Arnaud Elegoët pour le livre-album Kan ar Bed qui avait adapté en breton la chanson qui a fait la renommée d’Idir, A vava Inouva. Elle était devenue « Ma zadig me », interprétée ici sur France 3 par Perynn Bleunven et Karim Belkadi.
Mathieu Herry