Musique et langue bretonne, ciment d'une vie
« Mon père m’a apporté la langue bretonne, ma mère la musique. » Arnaud Elégoët a fait fructifier l’héritage familial. Les projecteurs des Prizioù, les Trophées de la langue bretonne, ont placé sous la lumière cet homme de 46 ans, qui habite à Quimper (Finistère) davantage habitué à agir en coulisses.
En lui remettant la statuette du « Brittophone de l’année » le 1er mars à Bruz, près de Rennes, les membres du jury ont salué le livre-CD Kan ar Bed (1). Un projet qu’il a porté de A à Z avec sa maison d’édition association Bannoù-Heol et la complicité de son ami musicien Joris Inadias.
Le livre-CD réunit avec bonheur des morceaux de treize pays adaptés en langue bretonne. Sans une note de cornemuse ni de bombarde : « On utilise le breton comme une langue de 2019… Avec Joris, on souhaitait sortir des airs traditionnels. Et on voulait que cela soit bien fait, que le breton soit à la hauteur de ce qui se fait dans les autres productions », raconte le prof de musique au collège et au lycée Sainte-Thérèse à Quimper.
Le pari est relevé. La qualité artistique saluée de toutes parts. « J’ai pris une claque, se souvient Laors Skavenneg, le directeur artistique de Dizale, studio de doublage établi sur les bords de l’Odet. C’est l’un des plus beaux CD en breton que j’ai entendu ces dernières années. »
« Quatre années de prises de tête, de nuits sans sommeil »
Le Finistérien a su s’entourer. Il a embarqué pas moins de 120 personnes - auteurs, choristes, musiciens, arrangeur, illustrateur…- dans une aventure de « quatre années de prises de tête, de nuits sans sommeil… On a eu tellement d’embûches à surmonter ! »
Mais le Finistérien que Lors Skavenneg qualifie de « généreux, droit et peut-être un peu têtu, aussi » a la capacité de rebondir. Ainsi, quand l'Orchestre symphonique de Bretagne ne répond pas aux sollicitations, il file en Bulgarie enregistrer les musiques de l'ensemble de Sofia...
Militant du quotidien, l’homme n’est pas amateur de coups d’éclat. « Il met beaucoup d’énergie à transmettre la langue de notre cœur, au quotidien, avec discrétion et humilité, confie la présentatrice des Prizioù, la journaliste Goulwena An Henaff. Grâce à ses traductions de BD, comme les Titeuf , il insuffle une image de modernité. »
Gamin, l’enfant de Saint-Derrien, près de Morlaix, se souvient avoir été marqué à la vue d’un exemplaire de Tintin en breton : « La langue de mon père, de mes grands-parents, que je considérais comme vieux jeu, a pris une nouvelle couleur. » Aujourd’hui, il discute en breton avec ses trois enfants scolarisés à Diwan, continue de jouer des claviers et du synthé avec ses potes des Groove Boys, se lève chaque matin avec la banane à l’idée de retrouver ses élèves. La langue bretonne, la musique : les deux ciments d’une vie.
(1) Kan ar Bed a reçu le deuxième prix de l’album (www.facebook.com/kanarbed).